Par Baudouin Remy
Bon alors, on avance ! Le CDH recule. C’est une première information. En Wallonie, le PS ira-t-il avec le PTB ou avec le MR ? Et on fait quoi des Ecolos ?
PS incontournable
La politique est un jeu de cartes : bataille, réussite ou couillon ? Un peu tout à la fois. Mais le jeu politique est une partie dans laquelle il s’agit aussi de se refiler le valet puant, le mauvais rôle, la responsabilité.
Résumons. Après sa petite misère électorale, le CDH passe ! Les centristes refusent toute participation à une majorité. Mais il y a une conséquence : le CDH rend désormais le PS aussi incontournable en Wallonie que la NVA l’est en Flandre ! Piquant retournement de situation car le même CDH avait éjecté les socialistes il y a peu. Le forfait du CDH restreint les options possibles. Au fédéral, il s’agit de 5 sièges en moins pour construire une majorité rikiki face à une NVA qui mousse costaud. Bref, ça n’arrange rien.
Leur explication ? Ils ne pouvaient pas faire autrement, ils n’avaient plus assez de poids et donc… rien à dire, « nous sommes le maillon faible : Au revoir ! »
Avantage de la situation pour les centristes ? Euh… ben… euh, l’introspection, le questionnement, la refondation programmatique et euh… le fameux « signal de l’électeur » !
Par contre, si on devait revoter pour cause de crise, le CDH gagnerait des électeurs ! Absolument. D’abord, ils partiraient de plus bas et s’il fallait revoter bientôt pour sortir de la crise, l’électeur votera certainement pour un parti qui écoute son signal (c’est drôle ça quand-même). Et si la situation au fédéral devait justifier qu’on les implore d’apporter leurs 5 sièges à une majorité ? Les centristes ont déjà répondu avec un air de parti responsable : « on sera au rendez-vous » (pas question d’hériter du valet noir et puant) en précisant « mais uniquement en soutien de l’extérieur ».
Avec le MR ? Ou avec le PTB ?
Au même moment, on apprenait que ni le PTB ni le Vlaams Belang n’étaient invités pour chercher une solution au niveau fédéral. Ah bon ? Mais quelle surprise ! Aucun président de parti ne veut d’eux ? Facile pour le PTB qui ne voulait pas vraiment y aller (sans le dire) de jouer les indignés scandalisés « on n’a pas écouté le signal de l’électeur », ce à quoi le CDH répond, « Si, nous, on écoute ! ». A ce propos, peut-on suggérer que lorsqu’on a 13% ou 18% des voix, il y a aussi 87% ou 82% qui n’ont pas voté pour vous… et qu’il y a d’autres électeurs qui ont aussi envoyé un signal ?
Donc, personne ne veut consulter le PTB au fédéral. Aucun parti ne voudrait d’eux ! Est-ce qu’il y a unanimité là-dessus ? Le PS, qui ne veut pas être celui qui exclut le PTB, dit « ha mais, non pas du tout, on n’a pas informé les informateurs »… Par contre, c’est connu, au PS on n’imagine pas depuis longtemps que le PTB puisse faire partie de la solution (ça a été répété à l’envi avant les élections). Il a même été dit « voter PTB, c’est voter NVA »…
Alors, si le PS veut faire avec le PTB en Wallonie, il faudra faire un très grand écart, d’abord pour l’expliquer et ensuite pour l’assumer dans le Stratego politique fédéral. Car une alliance avec le PTB en Wallonie risque d’attiser encore plus la complexité à ce niveau de pouvoir. Le PTB est en lutte presque finale pour « une politique de rupture »… Alors, question rupture, la NVA annoncerait bien la messe finale : « Bart prit le pays, le rompit et le montra à ses disciples en disant : ceci est la Wallonie larguée par nous »… Et pour la rupture, tout le monde n’est pas tout à fait prêt.
La question pour ce PS incontournable c’est donc de choisir : MR ou PTB ? Choisir le MR, fastoche, ça fait une majorité. Avec le choix du PTB, là il faut les verts en plus ! Et c’est ici que ça se corse.
On n’est pas certain qu’ Ecolo aimerait beaucoup être le troisième dans cette configuration très à gauche (PS-Ecolo-PTB), certes réclamée par la FGTB et les signataires d’une carte blanche (très rouge) dans le journal Le Soir… Pourquoi ? Il sera débordé sur sa gauche par plus gauchiste que lui. Et question poids politique, Ecolo a 12 sièges et le PTB 10 ; l’écart n’est pas si grand… Donc au jeu des influences, ça compte. Et puis, allez expliquer une alliance avec des marxistes auprès de l’électorat écologiste de la classe moyenne. Bonne chance. Quant à faire un budget qui tienne la route avec la radicalité communiste, c’est pas gagné non plus.
Et le MR bordel ?
Si vous avez suivi jusqu’ici (merci ;-)), vous savez déjà qu’avec une alliance PS/MR, pas besoin de troisième partenaire. Pourquoi ils ne sont pas déjà alliés alors ? Ils ne sont pas fous. Il ne faut surtout pas aller trop vite, ça paraîtrait arrangé à l’avance et suspect. Il ne faut pas offrir ce caviar à la gauche qui se dit « authentique » du PTB. Si le choix devait se porter sur le MR, il faudrait que ceci s’explique parce qu’un accord est vraiment impossible avec le PTB compromis… Et le PTB sait très bien jouer à ce jeu politique là. Voilà pourquoi le PTB se la joue « profil pas si radical » et « prêt au compromis mais pas aux compromissions ». C’est pour pouvoir canarder le PS ! Vous avez bien compris : PS et PTB qui cherchent autant à rejeter la faute l’un sur l’autre. Autant dire qu’on cherche des désaccords. Et le PTB n’a rien à perdre à ce jeu là.
En même temps avec et sans le PTB ?
Mal pris le PS ? Il a seriné avant les élections vouloir des majorités les plus progressistes possibles.Certes l’alliance PS-MR serait la plus progressiste possible grâce aux socialistes « puisqu’à cause des autres c’est impossible »… Mais, il se fait que ce serait une coalition de partis qui ont perdu des sièges aux élections. Alors ? Ben, on pourrait rajouter les écolos pour avoir une majorité de 55 sièges. Quoi ? « Une couche de peinture verte » ? Mais ça ne va pas, non ? Dans cette coalition, les écolos ne seraient pas numériquement indispensables à la majorité, c’est mauvais pour imposer ses vues écologistes.
Quand ça ne va pas, il faut chercher une porte de sortie, « en sortir par le haut » ou montrer qu’on a vraiment tout essayé (ou fait semblant)… Alors pourquoi pas un gouvernement à deux PS-Ecolo (ça ferait plus de Ministres à se répartir) ? Un gouvernement PS-Ecolo n’aurait pas la majorité, mais cet alliage rouge vert serait soutenu de l’extérieur… par le PTB. Si si, on a pu le lire dans la Libre Belgique (ballon d’essai ? « On a tout essayé » ? Ou réalité ?) ! Avantages ? Ce serait la formule la plus progressiste possible. Personne ne gouvernerait vraiment avec un parti d’extrême gauche (avec lequel aucune solution n’est possible). Le PTB ne devrait ni prendre ses responsabilités ni faire des compromis mais se vanterait d’appliquer « des pans entiers de son programme ».
Ecolo aurait plus de poids que son assise en sièges, le PTB avec un pied dedans et un pied dehors, pourrait toujours botter le cul du PS, mais moins souvent. Le PS aurait, à sa gauche, une opposition moins forte puisque le PTB soutiendrait des politiques de gauche. Mais il y aurait un « petit » problème : c’est un peu comme si on confiait une sorte de « label de gauche » (comme un label bio) aux mesures « soutenues par le PTB »… « Un certificat gauche authentique » politiquement encombrant pour le PS ! Par contre, dans cette formule dite « portugaise », Ecolo deviendrait l’égal d’un PS en nombre de ministres pour actionner tous les leviers. Et aux critiques qui diront « vous pactisez avec un parti d’extrême gauche » ? La réponse serait « avez-vous vu le PTB au sein du gouvernement ? Non », « ils ne voulaient pas exercer des responsabilités mais cibler des mesures sociales que nous défendons »… et « Blablabla… » !
Et puis ce serait surréaliste puisque, quand Charles Michel a demandé de soutenir de l’extérieur un gouvernement minoritaire après le départ de la NVA, tout le monde l’a envoyé dans les roses, et le Parti à la Rose en premier !
Encore un tour… tour après tour
Puisque la partie de carte se joue à plusieurs tables (fédéral, régions, communautés) cette partie n’est pas gagnée et surtout pas terminée. Et le Roi a invité tout le monde à regarder ce qui se joue à toutes les tables car après, il faudra encore s’entendre. Autrement dit : « il s’agit aussi de ne pas empirer la situation ».
Au fédéral, on passe au deuxième tour d’information avec la NVA dans le tour de table. C’est donc que ce parti envisage toujours de monter au fédéral et que les partis francophones concernés ne s’y opposent pas… vraiment (CQFD : le PTB et le Vlaams Belang ne se sont pas invités mais la NVA est conviée).
Le PS avait dit : « ce sera avec le PS et sans la NVA ou avec la NVA et sans le PS ». Ecolo avait dit pareil : « sans la NVA »… Et donc ? Si un jour De Wever et Di Rupo, ou la NVA et les verts, sont amenés à envisager de commencer à envisager évaluer la possibilité d’une négociation (et même pas encore de gouverner) vous allez entendre le MR : « Hahaaaa… vous aviez dit jamais avec la NVA !!! » Et là on entend déjà fuser « il ne faut pas ajouter de la difficulté à la difficulté, du chaos au chaos »… car… « c’est que la situation est très grave voyez-vous »… « Il faut sauver le pays ».
La réalité politique a des géométries parfois variables et la réalité numérique en sièges est la première variable dont il faut tenir compte. Une bonne dose de « tais-toi » reste donc nécessaire pour trouver des solutions, parce que pour ce qui est de chercher les problèmes, c’est déjà fait. Le bluff ne bluffera pas grand monde.